Berliner Gram-O-Phone
Pour la toute première fois, on peut écouter sur ce site deux chants ojibwés enregistrés par le Père Couture il y a 100 ans et jamais entendus publiquement avant aujourd’hui. Comment cela a-t-il pu être rendu possible ?
C’est en janvier 1920 que Joseph-Marie Couture est ordonné prêtre après avoir accompli sept ans de noviciat en grande partie auprès d’Ojibwés dont il essaie péniblement d’apprendre les subtilités de la langue.
Lors de ses toutes premières visites auprès des Indiens, le Père Couture , qu’ils appellent Neendamishgang, se rend compte de la passion que ces derniers vouent à la musique. Presque toutes les familles possèdent un phonographe. Le missionnaire se promet alors de leur faire une surprise.
Dès l’automne, Ie Père Couture se rend à Montréal dans les studios d’enregistrement de Berliner Gram-O-Phone. Il y fait imprimer deux chants Chippewa sur deux disques une face. Il en fera cadeau à chaque famille indienne qu’il rencontrera au cours de ses nombreux périples, momentanément interrompus, en 1922-1923, par un stage d’études en Belgique.
Chippewa Hymn – Mi Ajigwa Wi Tibikak by Neendamishkang
Chippewa Hymn – Wedeimig Jesus by Neendamishkang
C’est la fête chaque fois que le jésuite visite un camp ojibwé. On fume, on jase, on danse. Le Père Couture dit la messe, raconte des histoires, fait jouer ses deux « records », chante les principales prières en ojibwé puis discute d’astrologie, d’hygiène, d’alcool et de culture. Maintenant qu’il parle couramment l’ojibwé appelé aussi anishinaabemowin, un chef de famille lui suggère d’endisquer d’autres chants et prières. Excellente idée, lui répond le missionnaire ! Après mon stage en Europe.
Quelque temps après son retour de Belgique, le jésuite reprend en 1925 le chemin de Berliner pour se rendre compte que l’entreprise s’est transformée. Un nouveau logo orne la porte d’entrée: The Victor Talking Machine Co.
Le portier lui apprend que Berliner a été acheté et restructuré l’année précédente et que son étiquette a été remplacée par celle de Victor.
Grand bien leur fasse, il s’ajuste à la nouvelle situation et fait enregistrer, cette fois sous étiquette Victor, une quinzaine de cantiques et deux messes.
À cause de la concurrence de la radio, la Victor Talking Machine Co. sera fusionnée en 1929 à la cie américaine Radio Corporation of America (RCA) pour former la RCA Victor.
Cent ans après la première visite du Père Couture chez Berliner Graph-O-Phone, l’auteur de ce site se rend aux studios d’Atakama, une entreprise du Montréal métropolitain.
Il confie avec précaution les deux premiers “records” que le Missionnaire jésuite avait remis en cadeau à sa famille dès son arrivée à la Theresa Gold Mines. Disques qu’il avait conservés précieusement dans une valise d’archives sachant que les phonographes et les « pick up » avaient disparu depuis des décennies.
Compte tenu de l’âge des deux disques (100 ans), Atakama ne peut garantir le succès de la numérisation. Mais heureusement, on y arrive.
Voici donc en toute première, ces deux chants du Père Couture jamais entendus par le grand public auparavant.